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Le Cercle des poètes disparus

On lit ou on écrit de la poésie non pas parce que c’est joli. On lit et on écrit de la poésie parce que l’on fait partie de l’humanité, et que l’humanité est faite de passions. La médecine, le commerce, le droit, l’industrie sont de nobles poursuites, et sont nécessaires pour assurer la vie. Mais la poésie, la beauté, l’amour, l’aventure, c’est en fait pour cela qu’on vit. Pour citer Whitman : « Ô moi ! Ô la vie ! Tant de questions qui m’assaillent sans cesse, ces interminables cortèges d’incroyants, ces cités peuplées de sots. Qu’y a-t-il de bon en cela ? Ô moi ! Ô la vie ! ». Réponse : que tu es ici, que la vie existe, et l’identité. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime… Quelle sera votre rime ?

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Je t’aime aussi.

L’amour n’est pas seulement un sentiment; c’est un art. Et comme tous les arts, l’inspiration ne lui suffit pas, il faut aussi beaucoup de travail. – Paulo Coelho

Elle laissait des traces de rouge-à-lèvres sur la porte, juste en dessous de l’œil-de-bœuf. Curieuse, elle aimait observer les faits et gestes de nos voisins. Dès qu’elle entendait des voix dans le couloir, des bruits de pas, une porte qui s’ouvrait, elle se précipitait à la porte sans faire de bruit et regardait ce qui s’y passait. Je détestais ça.
Mais maintenant c’est la porte de quelqu’un d’autre que ses belles lèvres frôlent. Ce sont toutes nos habitudes qu’elle partage désormais avec cet autre.

Je déteste ça.

Je voudrais me dire que je ne pleure plus pour toi. Et pourtant… Je pleure tous ces souvenirs qu’on ne revivra plus, toutes ces traces que tu as laissées derrière toi, toutes ces traces que tu as laissées en moi. Et je pleure mon orgueil, qui m’empêche de t’appeler pour te dire tout haut ce que mon cœur pense tout bas.

J’ai toujours cru que je n’aimais pas. Que je ne savais pas aimer. L’affection, les gestes de tendresse, c’est toi qui me les as appris avec ton sourire, tes yeux rieurs, tes mains caressantes… Mais j’ai fini par comprendre. J’aime trop. Ou plutôt, c’est toi que j’aimais trop. J’avais le cœur et le corps qui fondaient tous les matins quand je te regardais dormir. J’avais trop d’émotions en moi mais aussi trop de retenue, trop de pudeur. J’avais peur de m’abandonner à toi. C’est ce qui nous a tués à petit feu.

De plus en plus souvent tu me regardais durement, les yeux brillants de larmes. Et quand je voyais passer ces petites ombres de tristesse sur ton visage j’aurais tout donné pour te prendre dans mes bras et te rassurer. Mais je me retournais, je t’ignorais. Satané orgueil !

On m’a dit que la blessure guérirait avec le temps. Mais plus le temps passe, plus je t’aime. Tellement. Et je sais que les regrets que j’éprouve ne sont rien comparés à la douleur que tu ressentais. Je m’imagine à peine le courage qu’il t’a fallu pour remplir cette valise et me quitter pour cet autre, que tu n’aimeras jamais autant que tu m’as aimé moi.

Je ne sais pas si je trouverai la force de t’envoyer cette lettre. Cette lettre, c’est le « je t’aime aussi » que je ne t’ai jamais répondu, c’est mon orgueil couché sur le papier, c’est mon cri du cœur dans une enveloppe.  Mais je te dois au moins ça.

Pardon pour toutes ces belles choses qu’on aurait pu vivre.

Je t’aime.

“L’amour est une chose merveilleuse, miraculeuse, mais qui a ceci de commun avec le feu : il faut l’entretenir et l’alimenter.”

Âme. Âme-itié. Âme-rtume.

Notre histoire a un goût d’amertume.

Voyez-vous j’aime trop. Surtout en amitié. Pour moi, l’amitié est la forme ultime du lien avec l’Autre. Rencontrer une personne, savoir dès le premier regard que vous êtes différents des autres, tisser des liens sans même avoir à parler, deviner les émotions de l’autre, le serrer dans ses bras comme on protègerait un jeune enfant, voilà le véritable Amour.

On ne choisit pas sa famille, on choisit ses amis disent-ils ? Non, on ne choisit pas ses amis, je ne suis pas d’accord. Le cœur et l’âme s’accordent en amitié ; c’est l’ultime forme d’amour, ce ne peut pas être un simple choix. C’est l’amour à l’état pur, sans conditions. Qui peut mieux parler de haine et de trahison que celui qui a été déçu par un ami ? William Blake a d’ailleurs dit « ton amitié m’a souvent fait souffrir ; sois mon ennemi, au nom de l’amitié.« 

Et toi. Oh toi. Je t’ai perdu parce que je t’ai trop aimé. Tu m’as pris pour acquise, tu as joué avec mes sentiments. Tu savais que je serais toujours là pour toi. Moi, dont l’âme ne vit que pour ses amis. Alors tu as commencé à oublier mon existence, comme une plante devant une fenêtre. Une plante dont on se souvient uniquement quand elle meurt et qu’on se rend compte qu’elle égayait vraiment la pièce.

Ah toi. Je t’ai mis sur un piédestal tellement élevé que quand je t’ai poussé à en tomber tu as entraîné une partie de moi avec toi. Oh tu ne pouvais pas le savoir, je te comprends si bien. Tu ne l’as pas fait exprès. Ce n’est pas de ta faute.

Mais sache que je ne t’en veux pas. Tu t’es protégé de ce trop-plein d’amitié (d’amour ?) comme tu l’as pu. Pardonne-moi de t’avoir aimé comme ça. Pardonne-moi de m’avoir fait perdre le meilleur ami que tu étais. Pardonne-toi de m’avoir blessée si souvent. Pardonne-toi de m’avoir laissé me faner à l’ombre de ton dédain. Pardonne-toi, Pardonne-moi.


C’est dans un sursaut d’amertume, alors que je repensais à notre amitié perdue, que je t’écris ces quelques lignes. En espérant qu’un jour la blessure que tu as faite à mon âme se refermera d’elle-même. 

Analogie

Les gens possèdent un peu l’âme de leur paysage et de leur climat. Ceux de la mer sont comme les courants et les marées. Ils vont et viennent, découvrent de multiples rivages. Leurs paroles et leurs amours imitent l’eau qui glisse entre les doigts et ne se fixent jamais. Les gens de la montagne se sont battus contre elle pour s’y installer. Une fois qu’ils l’ont conquise, ils la protègent, et celui qu’ils voient venir de loin dans la vallée risque bien d’être l’ennemi. Les gens de la colline s’observent longuement avant de se saluer. Ils s’étudient puis s’apprivoisent lentement, mais une fois la garde baissée ou la parole donnée, ils demeurent solides comme leur montagne dans leur engagement.

Gil Courtemanche – Un dimanche à la piscine à Kigali.

Il fut un temps…

 “On est toujours trop riche quand on déménage.”

C’est en rangeant mes affaires pendant mon déménagement que suis tombée ( entre autres trésors) sur ces petits textes oubliés. Le plus vieux date de 2002, j’avais seulement dix ans ! Je les partage parce que j’en ai envie, et parce que ça m’a fait plaisir.


Terre morte (Dakar, 2002)

La terre n’est faite que de haines,

De mystères, de violences, de peurs et de peines.

Elle est mère de la nature,

Elle est douce mais pas toujours pure.

En des endroits elle est nue,

Et à d’autres elle est vêtue.

Composée de d’océans de mers, et de continents,

Eux-mêmes emplis de forêts, de villes et d’habitants,

Les vivants ne savent comment la remercier

Car il existe encore guerres et aucune pitié.

À cause de nous, Hommes, bientôt ce sera la fin.

Tous seront sacrifiés ! Terre, animaux, humains.

Mais un jour, nouvelle Terre naîtra.

Animaux, insectes, mais pas d’humains il faudra.

Et nouvelle Terre vivra.

 


 Introspection (Bangui, 2008)

Nous sommes tous des explorateurs. Nous avons tous un but, ce quelque chose qui nous pousse à vivre, à survivre. Nous ne savons pas si il existe vraiment, si son existence peut être prouvée mais nous en ressentons la présence chaque jour, au fin fond de nous. Et d’un autre côté nous savons que ce but nous ne l’atteindrons jamais. Nous ne voulons pas l’atteindre. Car atteindre ce but signifie qu’il faudra affronter l’inconnu et trouver une nouvelle raison de vivre. La peur nous ralentit. Mais c’est peut-être pour le mieux. Car l’important ce n’est pas le but, mais bien le voyage. C’est peut-être ça aussi le but : l’exploration.

 


Évasion (Montréal, 2015)

Dans un petit chalet sur le flanc de la montagne, musique naija dans les oreilles, des arbres à perte de vue, mes pieds nus sur le sol frais, l’odeur de l’herbe fraîchement coupée au bord de ce petit ruisseau… Il fait bon vivre ici.
À travers la baie vitrée, j’ai regardé l’horloge du salon. Une citation y était inscrite : « Ici le temps s’arrête ». Et, pour la première fois depuis bien longtemps, je me suis laissée emporter. J’ai ressenti l’évasion, le sentiment de liberté, l’oubli de l’oppression quotidienne.
Vous souvenez-vous la dernière fois que vous avez dansé un zouk en fermant les yeux ? Souvenez-vous les pas instinctivement devinés, vos mains fiévreuses, le rythme de la musique et celui de vos cœurs confondus. Sentez-vous le temps ralentir autour de vous ? En cette belle matinée de juin, cette image reflète mon état d’esprit actuel. C’est l’abandon. L’évasion.
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★ Beautiful Blogger Awards ★

Un article spécial, pour des personnes spéciales !

Le principe est simple,  vous remerciez la personne qui vous a taguée et vous faites découvrir 7 autres blogs de votre choix et les blogueuses taguées font de même (si ça les tente!).

Merci à Issa du blog Elle Transitionne de m’avoir choisie !

Elle transitionne

Elle Transitionne c’est LE blog conseils, astuces et recettes naturelles pour gérer sa transition capillaire et ses cheveux crépus ! Issa sait comment stimuler et inspirer ses lectrices. À travers ses images et ses mots, elle nous communique sa « nappy attitude » page après page, cheveu après cheveu ! Après quelques pages, tout ce dont on a envie c’est de se couper les cheveux pour mieux recommencer. À bientôt pour mon big chop !

Merci encore de m’avoir choisie !

Et maintenant, ma sélection des « beautiful blogueuses » que je vous invite à découvrir :

Ciaafrique par Assa

Ciaafrique

Lancé en 2008 par la belle Assa, Ciaafrique s’est donné pour mission de promouvoir les designers originaires du Continent. Entre ses lookbooks, ses conseils mode et ses éditoriaux, ce blog a des allures de magazine centré uniquement sur la beauté, la haute couture et le style africains. Une inspiration au jour le jour, et une admiration sans précédent pour cette femme que je suis depuis 2011.

La devise du blog : « Africa got talent »

Créativité Bien Ordonnée par Tatou Dembélé

Tatou

Artiste peintre, photographe, illustratrice, entrepreneure, Tatou Dembélé multiplie les accomplissements. Avec ce blog, Tatou nous offre un monde aux touches aussi colorées que sa personnalité, un monde entre ordre et créativité, entre art et écriture. À savourer absolument dans une pièce aussi blanche qu’un canevas, que vous repeindrez en entrant dans son atelier bien ordonné.

La devise du blog : « Ne jamais abandonner, les bonnes choses prennent du temps. »

Expression ! par Josée Maria

Josee

Je reprendrais ses propres mots pour décrire le blog de Josée, je pense qu’ils sauront vous convaincre d’eux-mêmes : « Une Passionnée et Amoureuse des lettres je suis ! Pour moi l’écriture est bien plus qu’une simple juxtaposition de mots. L’encre des mots est à mon sens empreinte d’une symbolique et d’une profondeur qui font voyager les lecteurs… Par ces mots qui sont devenus une part de moi, j’aimerais donc partager avec vous ma passion trouvée et chérie pour l’écriture. »

La devise du blog : « À quoi servent les livres s’ils ne ramènent pas vers la vie, s’ils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus d’avidité ? »

Les Gourmandises de Karelle par Karelle

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Karelle, ah Karelle… Si seulement tu n’étais qu’une bonne cuisinière derrière tes fourneaux… Mais non, il a fallu que tu crées ce blog et cette page Instagram qui me font saliver tous les matins. Entre ses photos et ses recettes, Karelle nous apprend comment faire plaisir et se faire plaisir en dégustant de magnifiques pâtisseries, des plats d’ici et d’ailleurs, des mignardises originales et j’en passe ! Comme une enchanteresse, Karelle fait de la magie dans sa cuisine et ses recettes sont un grimoire dont on dévore les pages avec avidité.

La devise du blog : « Les Gourmandises de Karelle c’est le quotidien d’une femme qui aime manger et qui aime faire à manger. »

The Mint Sorbet par Miantsa V. R.

themintsorbet

La belle Miantsa se définit elle-même comme une « unconditional beauty lover » toujours à la recherche d’inspiration ! Quand elle n’est pas dans sa cuisine à expérimenter de nouvelles recettes, elle parcourt la ville à la recherche de trésors cachés culinaires et de son prochain restaurant favori ! Véritable patchwork aux couleurs acidulées, son blog The Mint Sorbet nous invite dans son univers gourmand et au cœur de sa personnalité pétillante. Boisson suggérée : un margarita à la framboise !

La devise du blog : « Looking for the end of the rainbow »

Mylène Flicka | Osez ! par Mylène Flicka

Mylene

Mylène Flicka fait partie de cette race de gens fougueux qui, l’arme de l’écrivain au poing, crèvent les abcès et conduisent les foules. Chacune de ses publications me fait battre le cœur. Entre politique, littérature, critiques et autres, Mylène ne mâche pas ses mots et est de la génération de ceux qui changeront le Bénin, j’en suis persuadée.

Le motto du blog : « La passion en berne, je n’ai les lettres que pour être. J’écris pour ressentir, je lis pour vivre. Que dire de moins, que dire en plus si ce n’est cette certitude: Je vais faire un carnage. »

Sunshine’s Firewords par Sokhna Fatim Niang

Sunshine

Sunshine’s Firewords par Sokhna Fatim Niang c’est tout le multiculturalisme canadien allié à la téranga sénégalaise. Mais Sunshine c’est aussi et surtout de la photographie, des textes poignants, des rires, quelques larmes, des émotions vibrantes… Elle m’emporte. Son blog semble en pause mais j’espère qu’elle nous reviendra vite !

La devise du blog : « Thousands of candles can be lighted from a single candle, and the life of the candle will not be shortened. Happiness never decreases by being shared. »

« We write the words that we cannot yet speak »

Entre vie et vis-à-vis.

« Quatre comportements intérieurs définissent l’ignorance et les souffrances des hommes :

  • Le sentiment d’individualité. Face au succès : « Je suis intelligent »… Face à l’échec : « Je n’y arriverai jamais. »
  • L’attachement au plaisir : la recherche du perpétuel contentement comme seul objectif.
  • La complaisance dans la dépression : la hantise de souvenirs malheureux qui incite à se venger et à s’opposer à son entourage.
  • La peur de la mort : le besoin maladif de se cramponner à son existence, preuve de son individualité. Plutôt que d’accepter de vivre jusqu’à la mort en profitant de la vie ici-bas pour mieux développer son être. »

Mythologie indienne

« Une vieille légende hindoue assure qu’il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieux. Mais ils abusèrent tant de leur divinité que Brahma, le maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le dissimuler en un lieu où il leur serait impossible de le retrouver. La difficulté fut de trouver la bonne cachette.
Convoqués à un conseil pour résoudre ce problème, les dieux mineurs suggérèrent : « Enterrons la divinité de l’homme dans la terre. » Brahma répondit : « Cela ne suffira pas car l’homme creusera et la trouvera. »
Les dieux mineurs proposèrent alors : « Dans ce cas, jetons la divinité au plus profond des océans. -Non, dit encore Brahma, car tôt ou tard l’homme explorera les profondeurs des océans et il est certain qu’un jour il l’y découvrira et la remontera à la surface. »
Les dieux mineurs conclurent : « Nous ne savons pas où cacher la divinité puisqu’il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d’endroit que l’homme ne puisse atteindre un jour. »
Brahma réfléchit et rendit son verdict : « Voici ce que nous ferons de la divinité de l’homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même car c’est le seul lieu où il ne pensera jamais à la chercher. »

Et depuis, dit la légende, l’homme a fait le tour de la Terre. Il a exploré, escaladé, plongé et creusé sans jamais découvrir ce qui se trouve en lui. »

 J’ai parcouru tous les pays
J’ai franchi des monts escarpés.
J’ai traversé toutes les mers
Et je n’ai rien trouvé d’heureux
Je me suis condamné à une vie de misère
Et j’ai rempli toute ma chair de douleur.


Extraits inspirants du livre Les Thanatonautes de Bernard Werber.

Longtemps j’ai eu peur de la mort. Ou plutôt, j’avais peur de quitter la vie. La vie, c’est tout ce que je connais, je suis donc j’existe. Mais je n’en ai qu’une seule et j’oublie par moments qu’il faut que j’en profite. J’oublie qu’il faut avoir la meilleure vie que l’on puisse rêver afin de n’avoir aucun regret au moment du jugement dernier. Un peu comme l’homme dans la mythologie hindoue, je cours encore et encore, en ressassant mon passé, en craignant mon futur et en manquant mon présent.

Une insolite rencontre

« L’important ce n’est pas l’endroit où l’on est, c’est l’état d’esprit dans lequel on est. »

Cette impression qu’on a de toujours tomber dans la médiocrité; l’appel de la facilité. Après tout on n’échoue pas lorsqu’on n’essaie pas. Mais là encore ce n’est pas moi. J’ai perdu la partie de moi-même qui visait toujours plus haut. Et mes yeux mouillés ce soir prouvent que mon cœur est sincère. Je ne sais pas comment me retrouver.

***

10 février 2015, métro Snowdon, 20h30.

J’ai rencontré d’Artagnan. Oui, oui, le d’Artagnan des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas: barbichette et moustache finement taillées, cheveux longs et noirs, regard à la fois perçant et doux. Aucun doute possible, j’étais bien assise en face de d’Artagnan et nous étions dans le même wagon, en route vers la station Montmorency.

Petit sourire aux lèvres, il a regardé par la fenêtre durant tout le trajet. On aurait vu tout un paysage défiler en regardant dans ses yeux noirs. Un paysage verdoyant avec des plaines, des champs, des vallées et des rivières à perte de vue.

J’ai rarement vu un sourire aussi serein. Il incarnait le bonheur et la joie de vivre. Est-ce qu’il a reçu une bonne nouvelle aujourd’hui ? S’en va-t-il retrouver Aramis et les autres ?

Son regard a fini par croiser le mien. Il y a lu mes interrogations et nous nous sommes souri comme si nous savions. Quoi ? Je ne sais pas. Et même si je le savais, je ne vous le dirais pas.

Un passager s’est mis entre nous, qui a interrompu ce moment de complicité privilégié entre présent et passé; ou plutôt entre réalité et imagination.

Il est sorti à la même station que moi, à Berri-Uqam.  Je crois qu’il a continué vers le terminus Honoré Beaugrand. Je l’ai laissé me devancer. Je ne voulais pas gâcher le moment, gâcher notre secret. Dans un murmure, je l’ai remercié de m’avoir redonné le sourire. Et je vous jure que j’ai cru entendre son rire.

Vous aussi, vous le rencontrerez peut-être un jour. Vaguant entre deux mondes, il apparaît lorsque nous avons besoin de quitter cette réalité. Il nous rappelle à la vie et relativise notre présent lorsque nous en avons le plus besoin.

***

 Avec ses bottes gothiques en cuir, son sac d’ordinateur à l’épaule, son long manteau sombre avec une sorte de tunique noire aux boutons d’argent en dessous, mon d’Artagnan des temps modernes devait plus probablement être un batteur « emo-punk » dans un groupe de rock alternatif. Mais moi aussi je veux sourire à la vie et avoir les paysages de mon chez-moi dans les yeux. Alors oui, j’ai bel et bien rencontré Charles de Batz-Castelmore, comte d’Artagnan dans le métro.