On lit ou on écrit de la poésie non pas parce que c’est joli. On lit et on écrit de la poésie parce que l’on fait partie de l’humanité, et que l’humanité est faite de passions. La médecine, le commerce, le droit, l’industrie sont de nobles poursuites, et sont nécessaires pour assurer la vie. Mais la poésie, la beauté, l’amour, l’aventure, c’est en fait pour cela qu’on vit. Pour citer Whitman : « Ô moi ! Ô la vie ! Tant de questions qui m’assaillent sans cesse, ces interminables cortèges d’incroyants, ces cités peuplées de sots. Qu’y a-t-il de bon en cela ? Ô moi ! Ô la vie ! ». Réponse : que tu es ici, que la vie existe, et l’identité. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime… Quelle sera votre rime ?
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Ceci n’est pas un suicide
J’ai lu quelque part que les femmes enceintes, quel que soit le moment et l’endroit, pensent toujours à leur bébé.Je ne suis pas enceinte.Je suis simplement pleine de nos souvenirs. Seuls mes yeux sont encore gros de larmes réprimées.Je suis simplement pleine de toi, qui a su me faire naître et renaître.
Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi: Ta houlette et ton bâton me rassurent.
Parenthèse. Journée mondiale des réfugiés 2016. Montréal.
Avez-vous déjà vu des étoiles dans les yeux d’un enfant ? avez-vous déjà vu les yeux d’une mère scintiller de bonheur ? avez-vous déjà vu les larmes de reconnaissance d’un être humain ?
C’était la journée mondiale des réfugiés, et on avait du soleil plein les yeux, et de la joie plein le cœur.
J’ai vu une mère syrienne parler de discrimination universelle. Elle m’a dit « Quel que soit leur pays d’origine, ils diront tous la même chose : ils veulent qu’on soient tous pareils, qu’on ait la même peau, les mêmes yeux, les mêmes vêtements mais comment ? Nous sommes tous différents, et ils ne veulent pas comprendre que c’est cette diversité qui fait notre force. »
Plus que jamais j’ai entendu la voix de Djene D. me reparler de l’ubuntu, plus que jamais j’ai compris le concept de citoyens du monde, plus que jamais je me suis sentie humaine.
Je t’aime aussi.
L’amour n’est pas seulement un sentiment; c’est un art. Et comme tous les arts, l’inspiration ne lui suffit pas, il faut aussi beaucoup de travail. – Paulo Coelho
Je déteste ça.
Je voudrais me dire que je ne pleure plus pour toi. Et pourtant… Je pleure tous ces souvenirs qu’on ne revivra plus, toutes ces traces que tu as laissées derrière toi, toutes ces traces que tu as laissées en moi. Et je pleure mon orgueil, qui m’empêche de t’appeler pour te dire tout haut ce que mon cœur pense tout bas.
J’ai toujours cru que je n’aimais pas. Que je ne savais pas aimer. L’affection, les gestes de tendresse, c’est toi qui me les as appris avec ton sourire, tes yeux rieurs, tes mains caressantes… Mais j’ai fini par comprendre. J’aime trop. Ou plutôt, c’est toi que j’aimais trop. J’avais le cœur et le corps qui fondaient tous les matins quand je te regardais dormir. J’avais trop d’émotions en moi mais aussi trop de retenue, trop de pudeur. J’avais peur de m’abandonner à toi. C’est ce qui nous a tués à petit feu.
De plus en plus souvent tu me regardais durement, les yeux brillants de larmes. Et quand je voyais passer ces petites ombres de tristesse sur ton visage j’aurais tout donné pour te prendre dans mes bras et te rassurer. Mais je me retournais, je t’ignorais. Satané orgueil !
On m’a dit que la blessure guérirait avec le temps. Mais plus le temps passe, plus je t’aime. Tellement. Et je sais que les regrets que j’éprouve ne sont rien comparés à la douleur que tu ressentais. Je m’imagine à peine le courage qu’il t’a fallu pour remplir cette valise et me quitter pour cet autre, que tu n’aimeras jamais autant que tu m’as aimé moi.
Je ne sais pas si je trouverai la force de t’envoyer cette lettre. Cette lettre, c’est le « je t’aime aussi » que je ne t’ai jamais répondu, c’est mon orgueil couché sur le papier, c’est mon cri du cœur dans une enveloppe. Mais je te dois au moins ça.
Pardon pour toutes ces belles choses qu’on aurait pu vivre.
“L’amour est une chose merveilleuse, miraculeuse, mais qui a ceci de commun avec le feu : il faut l’entretenir et l’alimenter.”
Âme. Âme-itié. Âme-rtume.
Notre histoire a un goût d’amertume.
Voyez-vous j’aime trop. Surtout en amitié. Pour moi, l’amitié est la forme ultime du lien avec l’Autre. Rencontrer une personne, savoir dès le premier regard que vous êtes différents des autres, tisser des liens sans même avoir à parler, deviner les émotions de l’autre, le serrer dans ses bras comme on protègerait un jeune enfant, voilà le véritable Amour.
On ne choisit pas sa famille, on choisit ses amis disent-ils ? Non, on ne choisit pas ses amis, je ne suis pas d’accord. Le cœur et l’âme s’accordent en amitié ; c’est l’ultime forme d’amour, ce ne peut pas être un simple choix. C’est l’amour à l’état pur, sans conditions. Qui peut mieux parler de haine et de trahison que celui qui a été déçu par un ami ? William Blake a d’ailleurs dit « ton amitié m’a souvent fait souffrir ; sois mon ennemi, au nom de l’amitié.«
Et toi. Oh toi. Je t’ai perdu parce que je t’ai trop aimé. Tu m’as pris pour acquise, tu as joué avec mes sentiments. Tu savais que je serais toujours là pour toi. Moi, dont l’âme ne vit que pour ses amis. Alors tu as commencé à oublier mon existence, comme une plante devant une fenêtre. Une plante dont on se souvient uniquement quand elle meurt et qu’on se rend compte qu’elle égayait vraiment la pièce.
Ah toi. Je t’ai mis sur un piédestal tellement élevé que quand je t’ai poussé à en tomber tu as entraîné une partie de moi avec toi. Oh tu ne pouvais pas le savoir, je te comprends si bien. Tu ne l’as pas fait exprès. Ce n’est pas de ta faute.
Mais sache que je ne t’en veux pas. Tu t’es protégé de ce trop-plein d’amitié (d’amour ?) comme tu l’as pu. Pardonne-moi de t’avoir aimé comme ça. Pardonne-moi de m’avoir fait perdre le meilleur ami que tu étais. Pardonne-toi de m’avoir blessée si souvent. Pardonne-toi de m’avoir laissé me faner à l’ombre de ton dédain. Pardonne-toi, Pardonne-moi.
C’est dans un sursaut d’amertume, alors que je repensais à notre amitié perdue, que je t’écris ces quelques lignes. En espérant qu’un jour la blessure que tu as faite à mon âme se refermera d’elle-même.
Conte et légende de baobabs
En revenant d’une promenade en pirogue sur l’un des nombreux bras de mer du Sine-Saloum nous aperçûmes, quelque part entre Ndangane et Djilor, un magnifique îlot entouré d’une épaisse couronne de palétuviers. Un unique et majestueux baobab se tenait en son centre et sa plage brillait d’une blancheur virginale. Nous ne l’aurions sans doute jamais découvert si les violents orages des jours précédents n’avaient arraché une partie des palétuviers qui l’entouraient. Nous l’accostâmes donc de bon cœur malgré cette impression que nous avions de souiller ce sable vierge.
Nous fûmes immédiatement attirés par le baobab, qui se dressait imposant et seul au milieu de cette petite île. Plus nous nous en approchions, plus nous sentions comme un battement de cœur venant de lui. Nos cœurs battaient au même rythme, nous ressentions un bien-être sans borne. Il nous parlait.
***
Une foule de mots, d’émotions et de sentiments nous ont pénétrés. Je n’étais plus moi. Je sentais ses racines pénétrer en moi, elles s’enroulaient autour de nous. J’étais lui, arbre imposant aux longues branches et feuillage clairsemé. J’étais le sable blanc qui nous entourait. J’étais chaque grain de sable de cette île. J’étais le bras de mer qui affluait tout autour des îles du Sine-Saloum. J’étais la mangrove aux milles racines.
Un jeune homme se tenait près de moi. Sa présence me paralysait, j’étais comme ensorcelée. Comment tant de prestance et de charme pouvaient ainsi tenir en une seule personne ? Je n’osais le regarder. Je ne le voyais pas mais je sentais ses muscles rouler à chaque mouvement de son corps d’ébène. Je le sentais tout autour de moi, j’étais lui, il était moi. Sa voix m’a sortie de ma torpeur, une voix douce comme les galets de la pointe des almadies mais grave et virile comme… le tronc d’un baobab.
Cette voix, cet homme scandait les mots « Confusion. Suicide. Immersion. Eaux profondes. Noir sur noir. Sable fin. Absolution. Régénération. Résurrection. » Sans cesse. Au rythme de mon cœur.
Narcisse sérère, on a chanté ta beauté et ta virilité par-delà le Saloum. Au Sine, ce sont tes exploits guerriers qui ont faits ta renommée. On te respectait, on t’honorait. Égocentrique et égoïste, tu te nourrissais d’éloges hypocrites.
Qui aurait cru qu’un jour ton règne de guerrier empli de vanité et d’orgueil aurait un terme ? Frappé au dos par une lance ennemie, blessé et impuissant, ils t’ont traîné dans la poussière. Défiguré, Hector au corps déchiqueté, ils ne t’ont même pas laissé la satisfaction de te tuer. Vivant mais vaincu, infirme et monstrueux, tes détracteurs se sont éveillés. On chantait ta défaite et ton malheur par-delà le Saloum. Au Sine, tes cicatrices et ton infirmité sont devenus une représentation physique des défauts humains.
Narcisse sérère, tu chantais ta tristesse et tes maux au bord de la mer, y contemplant ton reflet difforme pendant des jours et des jours. Tu scandais des psaumes pleins de douleur. Tu criais tes anciens exploits, tes regrets, tes souffrances, ta folie.
« Ma vie se consume dans la douleur, et mes années dans les soupirs; ma force est épuisée à cause de mon iniquité, et mes os dépérissent. tous mes adversaires m’ont rendu un objet d’opprobre, de grand opprobre pour mes voisins, et de terreur pour mes amis; ceux qui me voient dehors s’enfuient loin de moi. »
Et dans un sursaut d’humilité tu as choisi de quitter la vie. La mer a entendu tes pleurs, et t’as enfin appelé. À la recherche de l’ultime absolution tu es entré dans l’eau, miroir de ton âme depuis tant d’années, et tu n’en es plus jamais ressorti.
« Confusion. Suicide. Immersion. Eaux profondes. Noir sur noir. Sable fin. Absolution. Régénération. Résurrection. »
À l’endroit où ton corps s’est finalement reposé, une île a émergé. En son centre se tenait un majestueux baobab.
***
Nous quittâmes l’île avant le coucher du soleil, au retour de la marée. Nous ne l’avons plus jamais retrouvée.
Dans les récits que nous laissés les anciens, nous les retrouvons au pied d’un fromager, ou à l’ombre d’un baobab. Ils se montrent aux personnes dans le besoin, et à celles au cœur corrompu, comme le leur le fût un jour.
Ces djinns, désormais fantômes du passé et relégués au rang de l’imaginaire, errent. Espérant qu’un jour les Hommes se souviendront de leurs erreurs.
Analogie
Les gens possèdent un peu l’âme de leur paysage et de leur climat. Ceux de la mer sont comme les courants et les marées. Ils vont et viennent, découvrent de multiples rivages. Leurs paroles et leurs amours imitent l’eau qui glisse entre les doigts et ne se fixent jamais. Les gens de la montagne se sont battus contre elle pour s’y installer. Une fois qu’ils l’ont conquise, ils la protègent, et celui qu’ils voient venir de loin dans la vallée risque bien d’être l’ennemi. Les gens de la colline s’observent longuement avant de se saluer. Ils s’étudient puis s’apprivoisent lentement, mais une fois la garde baissée ou la parole donnée, ils demeurent solides comme leur montagne dans leur engagement.
Gil Courtemanche – Un dimanche à la piscine à Kigali.
Il fut un temps…
“On est toujours trop riche quand on déménage.”
C’est en rangeant mes affaires pendant mon déménagement que suis tombée ( entre autres trésors) sur ces petits textes oubliés. Le plus vieux date de 2002, j’avais seulement dix ans ! Je les partage parce que j’en ai envie, et parce que ça m’a fait plaisir.
Terre morte (Dakar, 2002)
La terre n’est faite que de haines,
De mystères, de violences, de peurs et de peines.
Elle est mère de la nature,
Elle est douce mais pas toujours pure.
En des endroits elle est nue,
Et à d’autres elle est vêtue.
Composée de d’océans de mers, et de continents,
Eux-mêmes emplis de forêts, de villes et d’habitants,
Les vivants ne savent comment la remercier
Car il existe encore guerres et aucune pitié.
À cause de nous, Hommes, bientôt ce sera la fin.
Tous seront sacrifiés ! Terre, animaux, humains.
Mais un jour, nouvelle Terre naîtra.
Animaux, insectes, mais pas d’humains il faudra.
Et nouvelle Terre vivra.
Introspection (Bangui, 2008)
Nous sommes tous des explorateurs. Nous avons tous un but, ce quelque chose qui nous pousse à vivre, à survivre. Nous ne savons pas si il existe vraiment, si son existence peut être prouvée mais nous en ressentons la présence chaque jour, au fin fond de nous. Et d’un autre côté nous savons que ce but nous ne l’atteindrons jamais. Nous ne voulons pas l’atteindre. Car atteindre ce but signifie qu’il faudra affronter l’inconnu et trouver une nouvelle raison de vivre. La peur nous ralentit. Mais c’est peut-être pour le mieux. Car l’important ce n’est pas le but, mais bien le voyage. C’est peut-être ça aussi le but : l’exploration.
Évasion (Montréal, 2015)