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Je t’aime aussi.

L’amour n’est pas seulement un sentiment; c’est un art. Et comme tous les arts, l’inspiration ne lui suffit pas, il faut aussi beaucoup de travail. – Paulo Coelho

Elle laissait des traces de rouge-à-lèvres sur la porte, juste en dessous de l’œil-de-bœuf. Curieuse, elle aimait observer les faits et gestes de nos voisins. Dès qu’elle entendait des voix dans le couloir, des bruits de pas, une porte qui s’ouvrait, elle se précipitait à la porte sans faire de bruit et regardait ce qui s’y passait. Je détestais ça.
Mais maintenant c’est la porte de quelqu’un d’autre que ses belles lèvres frôlent. Ce sont toutes nos habitudes qu’elle partage désormais avec cet autre.

Je déteste ça.

Je voudrais me dire que je ne pleure plus pour toi. Et pourtant… Je pleure tous ces souvenirs qu’on ne revivra plus, toutes ces traces que tu as laissées derrière toi, toutes ces traces que tu as laissées en moi. Et je pleure mon orgueil, qui m’empêche de t’appeler pour te dire tout haut ce que mon cœur pense tout bas.

J’ai toujours cru que je n’aimais pas. Que je ne savais pas aimer. L’affection, les gestes de tendresse, c’est toi qui me les as appris avec ton sourire, tes yeux rieurs, tes mains caressantes… Mais j’ai fini par comprendre. J’aime trop. Ou plutôt, c’est toi que j’aimais trop. J’avais le cœur et le corps qui fondaient tous les matins quand je te regardais dormir. J’avais trop d’émotions en moi mais aussi trop de retenue, trop de pudeur. J’avais peur de m’abandonner à toi. C’est ce qui nous a tués à petit feu.

De plus en plus souvent tu me regardais durement, les yeux brillants de larmes. Et quand je voyais passer ces petites ombres de tristesse sur ton visage j’aurais tout donné pour te prendre dans mes bras et te rassurer. Mais je me retournais, je t’ignorais. Satané orgueil !

On m’a dit que la blessure guérirait avec le temps. Mais plus le temps passe, plus je t’aime. Tellement. Et je sais que les regrets que j’éprouve ne sont rien comparés à la douleur que tu ressentais. Je m’imagine à peine le courage qu’il t’a fallu pour remplir cette valise et me quitter pour cet autre, que tu n’aimeras jamais autant que tu m’as aimé moi.

Je ne sais pas si je trouverai la force de t’envoyer cette lettre. Cette lettre, c’est le « je t’aime aussi » que je ne t’ai jamais répondu, c’est mon orgueil couché sur le papier, c’est mon cri du cœur dans une enveloppe.  Mais je te dois au moins ça.

Pardon pour toutes ces belles choses qu’on aurait pu vivre.

Je t’aime.

“L’amour est une chose merveilleuse, miraculeuse, mais qui a ceci de commun avec le feu : il faut l’entretenir et l’alimenter.”

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Âme. Âme-itié. Âme-rtume.

Notre histoire a un goût d’amertume.

Voyez-vous j’aime trop. Surtout en amitié. Pour moi, l’amitié est la forme ultime du lien avec l’Autre. Rencontrer une personne, savoir dès le premier regard que vous êtes différents des autres, tisser des liens sans même avoir à parler, deviner les émotions de l’autre, le serrer dans ses bras comme on protègerait un jeune enfant, voilà le véritable Amour.

On ne choisit pas sa famille, on choisit ses amis disent-ils ? Non, on ne choisit pas ses amis, je ne suis pas d’accord. Le cœur et l’âme s’accordent en amitié ; c’est l’ultime forme d’amour, ce ne peut pas être un simple choix. C’est l’amour à l’état pur, sans conditions. Qui peut mieux parler de haine et de trahison que celui qui a été déçu par un ami ? William Blake a d’ailleurs dit « ton amitié m’a souvent fait souffrir ; sois mon ennemi, au nom de l’amitié.« 

Et toi. Oh toi. Je t’ai perdu parce que je t’ai trop aimé. Tu m’as pris pour acquise, tu as joué avec mes sentiments. Tu savais que je serais toujours là pour toi. Moi, dont l’âme ne vit que pour ses amis. Alors tu as commencé à oublier mon existence, comme une plante devant une fenêtre. Une plante dont on se souvient uniquement quand elle meurt et qu’on se rend compte qu’elle égayait vraiment la pièce.

Ah toi. Je t’ai mis sur un piédestal tellement élevé que quand je t’ai poussé à en tomber tu as entraîné une partie de moi avec toi. Oh tu ne pouvais pas le savoir, je te comprends si bien. Tu ne l’as pas fait exprès. Ce n’est pas de ta faute.

Mais sache que je ne t’en veux pas. Tu t’es protégé de ce trop-plein d’amitié (d’amour ?) comme tu l’as pu. Pardonne-moi de t’avoir aimé comme ça. Pardonne-moi de m’avoir fait perdre le meilleur ami que tu étais. Pardonne-toi de m’avoir blessée si souvent. Pardonne-toi de m’avoir laissé me faner à l’ombre de ton dédain. Pardonne-toi, Pardonne-moi.


C’est dans un sursaut d’amertume, alors que je repensais à notre amitié perdue, que je t’écris ces quelques lignes. En espérant qu’un jour la blessure que tu as faite à mon âme se refermera d’elle-même. 

Et si c’était moi ?

Je hais le train. Ses petites toilettes exiguës, ses sièges étroits, les publicités qui font croire à vos patrons que c’est la parfaite alternative pour les voyages d’affaires… Alors qu’on sait tous que le seul point positif du train c’est qu’en classe affaires on double tout le monde dans les files. Mais, vous me direz, c’est pareil pour tous les transporteurs. Enfin bref, vous le direz à mon patron. Me voilà donc dans le wagon-restaurant de ce train, en pleine dégustation goulue d’un sandwich jambon-fromage.

*****

Je ne l’aurais pas remarquée si un bout de salade ne s’était échappé de mon sandwich. C’est en me relevant, les doigts pleins de mayonnaise, que je l’ai vue. Juste en face de moi. Discrètement attablée dans un coin du wagon, elle semblait une statue grecque. Une profonde sérénité émanait d’elle, et son immobilité en ajoutait à son charme. Un petit rayon de soleil caressait tendrement sa belle peau caramel et ses longues tresses lustrées. Une seule de ses veines, celle de son cou fin et doux, palpitait régulièrement, trahissant son humanité.

Je la dévisageais. J’étais captivé. Elle ne vivait que pour moi. Elle lisait un livre plutôt banal,  d’un auteur peu connu. Elle en tournait les pages avec grâce et tendresse; on sentait toute la douceur de ses mains aux longs doigts fins. Je lisais ce livre sur son visage. Ses yeux vifs couleur cacao en reflétaient chacune des phrases. Elle vivait chacune des émotions créées par cette fiction.

Sa sérénité naturelle la quittait quand l’action s’intensifiait dans son livre; ses sourcils se fronçaient, sa respiration se précipitait, la veine de son cou battait rapidement. Elle tournait les pages précipitamment, les lisait en diagonale.

Brusquement, son visage s’est figé, ses yeux se sont remplis de larmes qu’elle s’est efforcée de retenir. J’ai compris. Ce n’était plus une fiction, c’était sa propre histoire qu’elle revivait.

J’ai lu en elle comme dans un livre ouvert. J’y ai vu sa vie, son enfance difficile mais heureuse, ses craintes, ses rencontres, ses déceptions, ses envies. Peut-être parce que j’ai déjà lu ce livre. Ou peut-être parce que j’ai toujours su.

J’aurais voulu lui dire : « – Ne t’inquiète pas, je suis là. J’ai lu la fin du livre. Je serais toujours près de toi, je ne te quitterai plus jamais, c’est promis ». J’aurais voulu la serrer dans mes bras, blottir mon visage contre sa nuque délicate, lui murmurer des mots rassurants au creux de l’oreille.

Mes mains poisseuses de mayonnaise et de gras m’ont ramené à la réalité. Je m’en voulais de ne pas pouvoir quitter mon siège, d’être marié, d’avoir vécu cette vie sans elle.

*****

Arrivée à la gare de X. J’ai fermé les yeux quand je l’ai vue ramasser ses affaires. Je me suis installé confortablement dans ce siège étroit, les mains crispées sur les deux accoudoirs. Je ne voulais pas la voir partir. En manquant cette femme, j’avais la sensation d’avoir manqué ma vie.

En ouvrant les yeux j’ai aperçu une feuille, sans doute arrachée de son livre, posée sur la table à laquelle elle était assise. Je vous laisse, il faut que je me dépêche, elle m’attend sur le quai.

Romance de jeunesse.

« – Je… Je t’appelle parce que j’ai envie de revoir ton visage. C’est tout. C’est comme les gens qui retournent dans le village où ils ont passé leur enfance ou dans la maison de leurs parents… ou vers n’importe quel endroit qui a marqué leur vie.
– C’est comme un pèlerinage quoi.
Je me rendais compte que je n’avais plus la même voix.
– Oui exactement. C’est comme un pèlerinage. A croire que ton visage est un endroit qui a marqué ma vie. » Anna Gavalda.

 

Plus jeune, je vivais à travers mes livres. Non, je vivais dans mes livres. Puis j’en ai eu assez. J’ai fermé mon bouquin, j’ai levé la tête et j’ai arrêté de voir le monde à travers des œillères. J ai commencé à vivre, à faire des rencontres, à découvrir le monde. Toute une page s’est tournée. Depuis cette rencontre. J’ai vécu l’amour à la George Sand, tous ces livres romantiques se sont matérialisés sous mes yeux le temps d’une soirée.

Et il était beau, je ne vous mentirai pas. Parfum subtil mais viril, mains de fer, sourire éclatant, brillant par l’esprit, charismatique, drôle… Mon futur époux.

Lorsqu’il s’est présenté j’étais partagée entre  « embrasse-moi » et « la combinaison de ce pull Tommy Hilfiger bleu marine qui met en valeur tes magnifiques yeux gris et de ta plastique de rêve me met en émoi. Tu es comme un McFlurry après une longue journée embrasée, je n’attendais que toi pour me sentir enfin revivre. » Heureusement, je n’ai rien pu dire à part mon prénom mais je l’ai pensé très fort, moi, pauvre adolescente victime d’un coup de foudre dévastateur.

Et je me suis ridiculisée toute la soirée en essayant de jouer la jeune fille indifférente-serviable-souriante-intelligente-parfaite… Allez, on rentre le ventre ! On gonfle la poitrine ! On force le tout pour avoir une cambrure à la Beyoncé; le tout avec une pointe d’humilité et une culture digne d’une encyclopédie Larousse vulgarisée. R-I-D-I-C-U-L-E. Plus ridicule qu’on ne le pense lorsqu’on apprend que les cinq filles de la soirées jouaient à ce même jeu de rôle.

« We don’t pick who we fall in love with and it never happens like it should« , m’a-t-on dit par la suite. C’était ça. Tout ce blabla émotionnel qui t’évite de te sentir trop pathétique sur le moment.

J’ironise. Mais il était charmant et il en valait la peine à ce moment-là. Il le savait. Il en a profité. Les gens beaux attirent sympathie et confiance, il est impossible pour la conscience populaire qu’ils soient mauvais. Et pourtant…

Trahison. Trahison parfaite. Trahison amoureuse digne d’une tragédie grecque ! Tu nous as toutes embobinées, toutes embrassées. La même soirée. Nous étions des bobines de fil, tu étais un chat sournois au pelage gris.

Pourquoi m’as-tu fait ça ? Nous aurions pu vivre heureux, profiter de ces belles années d’université à deux, et de belles balades romantiques au Vieux-Port de Montréal. Nous serions allés en vacances à Cancun où tu m’aurais demandée en mariage devant un magnifique soleil couchant. Nous nous serions mariés au Canada, nos deux familles réunies à jamais, nous aurions eu des jumelles et un garçon… aux yeux gris. Pourquoi nous as-tu fait ça ? Pourquoi as-tu préféré renoncer à la passion plutôt que d’y succomber ?

Et ton visage a marqué ma vie.  Tu m’as donné l’envie de découvrir le monde par moi-même, d’oublier un instant les histoires d’amour romanesques. Tu m’as donné l’envie de vivre par moi-même et pour moi-même. Au diable la passion de l’Autre ! Je ne suis qu’Amour de moi ! Aimez-moi, je ne m’en aimerai que mieux !

Je t’ai longtemps haï mais finalement, je te remercie d’avoir traversé ma vie, juste le temps d’un baiser.

Et quand je me relis, je me dis que j’ai quand même de la chance: j’ai connu l’amour à travers le regard et les lèvres d’un bellâtre aux reflets gris… Dramatiquement romantique et intensément psychotique… Tout ce que j’aime.

 

Je ne t’oublierai jamais… Même si, désormais, je viserai les hommes avec le charisme d’un bâton de céleri. C’est bien plus prudent.