Refermons maintenant le livre des vacances, ce vieux livre aux pages érodées et jaunies par le temps qui laisse derrière lui une odeur de poussière chaude et sucrée… Ou plutôt une odeur de poisson, de crustacés et de sel. J’y sens le filet de pêche qui vient tout juste d’être remonté…
Archives pour la catégorie Boissons chaudes
Il fut un temps…
“On est toujours trop riche quand on déménage.”
C’est en rangeant mes affaires pendant mon déménagement que suis tombée ( entre autres trésors) sur ces petits textes oubliés. Le plus vieux date de 2002, j’avais seulement dix ans ! Je les partage parce que j’en ai envie, et parce que ça m’a fait plaisir.
Terre morte (Dakar, 2002)
La terre n’est faite que de haines,
De mystères, de violences, de peurs et de peines.
Elle est mère de la nature,
Elle est douce mais pas toujours pure.
En des endroits elle est nue,
Et à d’autres elle est vêtue.
Composée de d’océans de mers, et de continents,
Eux-mêmes emplis de forêts, de villes et d’habitants,
Les vivants ne savent comment la remercier
Car il existe encore guerres et aucune pitié.
À cause de nous, Hommes, bientôt ce sera la fin.
Tous seront sacrifiés ! Terre, animaux, humains.
Mais un jour, nouvelle Terre naîtra.
Animaux, insectes, mais pas d’humains il faudra.
Et nouvelle Terre vivra.
Introspection (Bangui, 2008)
Nous sommes tous des explorateurs. Nous avons tous un but, ce quelque chose qui nous pousse à vivre, à survivre. Nous ne savons pas si il existe vraiment, si son existence peut être prouvée mais nous en ressentons la présence chaque jour, au fin fond de nous. Et d’un autre côté nous savons que ce but nous ne l’atteindrons jamais. Nous ne voulons pas l’atteindre. Car atteindre ce but signifie qu’il faudra affronter l’inconnu et trouver une nouvelle raison de vivre. La peur nous ralentit. Mais c’est peut-être pour le mieux. Car l’important ce n’est pas le but, mais bien le voyage. C’est peut-être ça aussi le but : l’exploration.
Évasion (Montréal, 2015)
Bangui, l’inoubliable.
C’est une réminiscence d’un passé heureux, révolu. Nos sourires étaient jeunes mais tellement larges. Nous exhalions la joie de vivre. La ville nous appartenait, nous en connaissions les moindres recoins, nous riions et elle nous souriait en retour. Nous ne faisions qu’un.
Je me souviens que nous inventions des excuses pour nous retrouver au lycée quand nous n’avions pas cours. Tout y passait: des cours supplémentaires de sports aux séances de rattrapages, heures de colles et travaux de groupe… Notre grand complice était le gardien, Dimanche (paix à son âme) qui secouait simplement la tête lorsqu’il nous voyait tous nous retrouver puis partir dans le sens opposé au portail de l’école.
Toutes les dix minutes, les vendeuses de mangues de la Cathédrale voyaient descendre de la colline les élèves du lycée Charles de Gaulle, par petits groupes bruyants et chaussures salies par la latérite rouge. Nous cheminions dans cette ville (que dis-je ? dans cette vie) avec légèreté, suivant ses routes tortueuses, contournant chaque nid-de-poule, chaque crevasse de cette capitale tant verdoyante que poussiéreuse et brûlée par le soleil.
Nous nous cachions derrière les grands arbres et les murets de l’église dès que nous pensions avoir aperçu une voiture appartenant à l’un de nos parents. Tout en riant, nous tremblions tout de même sous l’effet de l’adrénaline, de la peur de notre faute découverte par l’autorité suprême : la mère.
Nous allions à l’Alliance Française regarder les répétitions du spectacle le plus attendu de l’année : le spectacle de la Saint-Valentin ! Nous y retrouvions nos amours. Et, en rentrant, nous faisions un détour à la chouiaterie du coin pour manger du michoui, puis nous prenions quelques beignets chauds chez la vendeuse béninoise du bord de la route.
Nous adorions ces heures de plaisir coupable, volées avec si peu de subtilité et tellement d’insouciance. Que voulez-vous ? après tout, nous nous revendiquions du Carpe Diem !
Et nous ne vivions que dans le présent; les uns pour les autres et les uns par les autres, nous criions notre solidarité sur tous les toits. Nous riions de nos rivalités avec les lycées voisins, alimentions rumeurs et histoires grotesques, nous, jeunes fanfarons du lycée français de Bangui.
C’était une vie simple, une vie de collégiens et de lycéens dans un pays ravagé. Mais la simplicité de ces moments de vie n’a fait que renforcer ce bonheur que nous ressentions. Nous avions peu, mais de ce peu nous fîmes de belles choses. Ce furent nos années folles, nos années douces et insouciantes. Nous étions Bangui, les enfants de la Centrafrique, Moléngué ti Béafrika !
« Le bonheur présent a un avantage sur tous les autres: il nous appartient. »
Résolutions.
« Je partis dans les bois car je voulais vivre sans me hâter, vivre intensément et sucer toute la moelle secrète de la vie. Je voulais chasser tout ce qui dénaturait la vie, pour ne pas, au soir de la vieillesse, découvrir que je n’avais pas vécu. » Robin Williams, Le Cercle des Poètes Disparus.
Nous sommes tellement obnubilés par le fait de grandir qu’on en oublie notre enfance, nos rêves, nos idéaux, notre vie, nous. On passe le quart de notre vie à rêver de la vie d’adulte, la moitié de cette vie à se prendre au sérieux en tant qu’adulte, et le dernier quart à repenser à cette jeunesse gâchée par ces rêves d’adultes.
House Of Jazz
Certaines personnes ont ce je-ne-sais-quoi qui nous prouve qu’ils sont exactement ce qu’ils doivent être, qu’ils ont trouvé l’endroit au bout du chemin tracé pour eux. Leurs âmes en sont magnifiées, et laissent une empreinte sur tous ceux qui les entourent. Merci d’être toujours là.
Jeudi, 17h45, métro Sauvé, Montréal.
Il est là. Comme toujours. Je me demande à quelle heure il commence, et à quelle heure il finit. Il ne devrait jamais s’arrêter.
Son éternel béret noir dodeline en cadence, ses longs doigts lourds et charnus glissent rapidement sur les fils de sa guitare. On en verrait presque les notes de sa musique jazzy prendre vie. Une à une, elles forment comme une auréole rassurante autour de lui, autour de nous.
Chacun de ses accords résonne dans toute la station, au rythme des pas de la foule. Mon âme et mon corps sont pleins de sa musique. Il nous a ouvert la porte de sa vie, rien qu’avec une guitare.
Et, pendant qu’une confusion d’émotions nous traverse de part en part, lui n’est que calme, sourire et passion, assis au pied de ce mur gris. Intemporel, c’est le mot. Il est comme une pause et une continuité au milieu de la foule et du temps qui passe, il est intemporel.
Il est 18h40, il joue encore. Je ne le vois plus. Mais depuis mon appartement j’entends encore sa mélodie, gravée dans mon âme.
Souvenir.
Je rêve d’un endroit où le ciel, la mer et la terre se confondent. Je rêve d’un endroit où les couchers de soleil sont plus beaux de jour en jour ; des couchers de soleil aux couleurs si métissées qu’on ne saurait les observer sans émerveillement.
Je rêve d’un endroit si paisible que les téléphones n’y ont pas leur place ; et l’électricité, encore moins. Je rêve d’un endroit où la Nature est reine : un endroit où toutes sortes d’oiseaux peuplent le ciel et où flamants roses et cormorans peuvent se reposer en toute liberté. Je rêve d’un endroit où les moteurs des pirogues s’éteignent lorsqu’une maman dauphin et son petit s’approchent.
Je rêve d’un endroit où, allongés dans un bateau bleu et blanc, nous nous raconterions des histoires ; et ces histoires, rythmées par la mélodie des vagues, s’envoleraient vers ces étoiles et ces constellations qui disparaissent dès que l’on s’approche des grandes villes.
Je rêve d’un endroit où un vieux monsieur et sa femme, portant tous les deux de grands chapeaux de paille, seraient assis au bord de la plage sur de longues chaises blanches, surveillant leurs petits-enfants.
[…]
Je rêve d’un endroit où ce souvenir aurait encore sa place.