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Lettre ouverte.

À vous Madame aux cheveux châtains et libres de tous frisottis que j’ai croisée un matin dans le métro ligne bleue, j’adresse aujourd’hui ce message. Il vous est également destiné, madame son amie rousse, coupable d’un hochement de tête (in)volontaire.

Vous êtes montée dans le métro à la station Acadie avec votre amie rousse, souriante, lancée dans une conversation passionnante au sujet du chat d’un voisin. Puis, vous m’avez vue. Pardon, vous nous avez vus, moi et mes cheveux encore humides de mon shampoing matinal. Et, debout en face de moi, la tête tournée vers votre amie, vous avez émis ce commentaire :

 

« Comment elle peut sortir avec les cheveux comme ça, ça fait sale ! Moi au moins quand mes cheveux sont mouillés ils sont lisses, attachés en chignon et ça fait beau, un peu wild et sexy ! »

 

Sacrilège ! Insinuez-vous que parce que mes cheveux ne correspondent pas aux standards de beauté du XXIème siècle ils ne sont pas beaux ? Mais, madame, qui êtes-vous pour me juger ? Qui êtes-vous pour décider de ce qui est beau ou pas ? Par votre bêtise et votre intolérance vous m’avez semblé plus laide que quiconque à ce moment précis.

Vous-même avec votre embonpoint, vos sourcils épais, les tâches de rousseur de votre amie, ses dessous de bras velus, pensez-vous correspondre aux standards de beauté imposés dans les magazines occidentaux ? Non, je ne pense pas. Ni vous ni moi n’y correspondons.

Mais oui madame, j’ai les cheveux crépus. Et, comme vous, je suis parfois en retard et j’ai besoin de les sécher. En quoi cela serait-il différent de vous ? Est-ce que vous tournez une pub à la « L’Oréal, parce que je le vaux bien à chaque fois que vous faîtes un shampoing » ?

Et puis si vous voulez le savoir, j’ai aussi de petits bourrelets, un nez légèrement empâté, des mollets et chevilles inexistants, des lèvres plus épaisses que les vôtres. Mais je n’aspire pas à ressembler à Eva Longoria. Et ça ne m’empêche pas de me faire aborder par de belles personnes.

 

Vous avez dû voir tout ce beau monologue quand vous avez croisé mon regard. Vous aviez l’air gênée et agacée.

Je vous ai regardée droit dans les yeux et je vous ai souri. Parce que je suis un peu trop bien élevée. Parce que je descendais à cette station. Et parce que je suis magnifique quand je souris quel que soit le standard de beauté qui fait votre référence.

Bien à vous,

Aissa B. D., différente, cheveux crépus bien mouillés, et fière.

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Citoyenne du monde.

 » Tu es haïtienne ou africaine ? Ah c’est beau le Sénégal ! Comment ça se fait que tu parles aussi bien français ? Ah bon, tu es française ? Tu as vécu combien de temps en France ? Ah, tu n’as jamais vécu en France… Comment ça se fait que tu sois française alors ? « 

Sourire de circonstance. Si vous avez déjà été dans cette situation, vous comprendrez ma peine. Si non, imaginez.

En pleine mondialisation et bien après les décolonisations, je m’étonne vraiment du fait que beaucoup de personnes pensent encore qu’un Noir qui parle sans accent prononcé est un immigrant et un déraciné, qu’un Asiatique est obligatoirement un Chinois, qu’un Français doit être Blanc, sinon c’est un étranger nationalisé etc.

Messieurs-dames, sachez qu’en France comme ailleurs il y a le droit du sol ET le droit du sang ! Malgré ma couleur marron (« noir » me semble un peu fort, je ne pense pas ressembler à Coco de Tintin au Congo), celle de mes parents et de mes arrière-grands-parents je suis française de nationalité et sénégalaise d’origine. Deux notions complètement différentes.

Étrangement, c’est à Montréal, ville cosmopolite, que cette conversation est le plus souvent revenue. Les premières fois, je répondais patiemment et gentiment (au risque d’avoir à expliquer mon arbre généalogique), en mettant cela sur le compte de l’ignorance. Mais cela soulevait plus d’interrogations que de compréhension. Apparemment, il faut absolument choisir : « mais toi, tu te considères comme étant sénégalaise ou française ? ». Rire silencieux de circonstance, je sens ma main qui me démange. Pourquoi ce besoin impérieux de choisir ? Le nationalisme n’est pas mort, il a juste changé de forme.

Bref ! Désormais, je suis donc une « citoyenne du monde ». À l’aise partout mais réellement acceptée nulle part. Après tout, au Sénégal, je suis une « vacancière », en Centrafrique comme au Canada je suis une « étrangère » et en France, je manque de « souche ». Et cette réponse est apparemment beaucoup plus satisfaisante pour les Montréalais ! « Asti que t’es drôle ! Ça existe pas un citoyen du monde ! Hahaha. Ça me fait penser au sketch de Untel sur… » J’ai souvent donné cette réponse et ça s’est presque toujours conclu sur une discussion sur l’humour !

Conclusion: si vous êtes fatigués de lutter contre les idées reçues, faites de l’humour ! Parlez-en dans un blog et partagez-le aux personnes fermées d’esprit qui vous entourent !